Interprétée par Ami Yamasaki, le samedi 16 septembre à l'occasion du vernissage de la Biennale
Pour cette œuvre, Christian Marclay a sélectionné des centaines d’onomatopées dans des mangas, en version anglophone. Il a les digitalisées et collées dans une longue suite en combinant des logiques graphiques et visuelles. Les lettres s’enfuient, s’enroulent, se prolongent, se resserrent, s’affinent, grossissent sur quelque vingt mètres.
En utilisant un rouleau en papier de riz (dans la version originale de l’œuvre), l’artiste relie l’actuelle industrie des mangas à une riche histoire culturelle. Le Japon fait remonter sa tradition de bande dessinée au XIe siècle, au moment où il a développé ses propres principes de peinture narrative sur rouleaux, qu’il empruntait auparavant aux Chinois.
La pièce vaut pour le plaisir des yeux mais elle est aussi une partition. L’artiste sonore et interprète Joan La Barbara a été la première de ses interprètes en 2010 au Whitney Museum of American Art. Depuis, des dizaines de personnes ont été invitées par Christian Marclay a donné leur version. À Sion, c’est la Japonaise Ami Yamasaki, qu’on entendra. Elle utilise sa voix, mais aussi tout son corps pour rendre, sans micro, la variété des sons humains, animaux, mécaniques, naturels… et parfois mystérieux que les onomatopées traduisent et qu’elle traduit à son tour.
Co-production Fondation Calouste Gulbenkian, Lisbonne
Séance d’enregistrement publique et performative, le vendredi 22 septembre à La Centrale
Durée indéterminée
En repérage pour la Biennale Son dans l’ancienne centrale hydroélectrique de Chandoline, Christian Marclay a été à l’affut de son histoire et de ses qualités sonores. Ce sont ces deux aspects qu’il a choisi de mettre en valeur avec une performance unique, en vue d’un enregistrement.
Le bâtiment a été construit en 1934. Conçu par le Tessinois Daniele Buzzi, il est reconnu pour ses qualités architecturales et son importance dans l’histoire du développement énergétique et industriel du Valais. Il n’est plus relié au barrage de la Grande Dixence depuis 2013. Son avenir est aujourd’hui culturel et la Biennale Son est un des premiers acteurs de cette nouvelle vie.
Pourtant, les conduites forcées qui pendant sept décennies ont fait chuter l’eau des montagnes à la plaine tracent toujours leur chemin dans le paysage, cicatrice d’un passé révolu. Ce sont elles que Christian Marclay a choisi d’activer.
Pour cela, des recherches techniques ont été menées, avec des calculs savants sur la longueur des différentes sections linéaires des conduites et l’accélération gravitationnelle d’un élément non liquide dans ce tube. Des simulations ont été mises en place. Il reste qu’en choisissant de faire de l’ancienne centrale et de ces immenses tuyaux un instrument de musique géant pour un moment unique, Christian Marclay prend le risque de l’inattendu.
Avec la collaboration d’une classe de la Haute École d’ingénierie de la HES-SO Valais-Wallis et de son professeur de physique, Roland Willa. Cette performance est réalisée grâce au soutien de la société Alpiq.
Installation sonore
Une première forme de l’œuvre est née sous la forme d’un disque – une gravure à l’unité, un lathe cut – présenté en installation dès 1998. L’objet s’usait et Christian Marclay, trouvant le concept toujours pertinent, souhaitait reformuler la pièce. En 2020 le confinement londonien drastique a été l’occasion de tenter un nouvel enregistrement. Le résultat s’est révélé trop musical aux oreilles de l’artiste qui a alors repensé la pièce dans l’espace et réalisé un nouvel enregistrement plus adéquat lors d’un séjour new-yorkais. C’est cette nouvelle formulation qui prend place idéalement dans les escaliers de La Centrale.
Trois haut-parleurs sont ainsi suspendus au-dessus des paliers intermédaires, diffusant chacun une piste sonore avec la voix de Christian Marclay. Le public est invité à monter et descendre les escaliers pour entendre clairement un mot ou l’autre, les deux se mêlant au niveau intermédiaire.
Le palindrome sonore Ému/Muet prend ainsi toute son amplitude de sens grâce à une écoute active et à un déplacement dans l’espace.
Diptyque présentant deux audiocassettes aux bandes magnétiques déroulées, tirages cyanotypes, 76,5 x 57,2 cm chacun
Oeuvre présentée dans le cadre de l'exposition Echos d'une collection - Oeuvres du Frac Franche-Comté
Mashup IV emprunte son titre à la musique pop et plus particulièrement à la pratique qui consiste à combiner deux ou plusieurs chansons pour en créer une nouvelle. Ce terme est également utilisé en informatique pour qualifier un site internet qui mélange des données issues de plusieurs sources. L’entremêlement des bandes magnétiques ironise sur le terme. C’est en effet ce fouillis qui est le mashup alors que l’artiste, qui a pourtant largement utilisé le collage dans son travail, présente ici sous forme de diptyque une seule et même image.
Ce diptyque est un cyanotype, une photographique monochrome qui ne requiert pas d'appareil. Il consiste à disposer sur une surface photosensible des objets qui y laissent leur empreinte, à la manière d'un photogramme. Appelés «blueprints» du fait de leur teinte caractéristique, les cyanotypes ont été popularisés par la botaniste Anna Atkins et très utilisés en architecture avant la numérisation.
Ces cyanotypes réalisés à partir de bandes magnétiques - deux ou plus, en diptyque ou en une seule image, font partie des nombreuses œuvres de Christan Marclay qui évoquent la musique sans en produire. C’est un blueprint de ce genre qui a servi d’affiche au Montreux Jazz en 2018.
Né en 1955 en Californie
Vit et travaille à Londres
Ses biographies commencent souvent par le déclarer comme le premier turntabliste, ou platiniste, de l’histoire. Musicien sans instrument, Christian Marclay a en effet commencé à manipuler des vinyles à New-York dans les années 1980, jusqu’à porter le tourne-disque en bandoulière (Phonoguitar, 1983). Il était revenu aux États-Unis, où il est né, dès 1977 pour finir des études d’art commencées à Genève et avait alors été happé par un monde musical en effervescence qui va marquer son art. En 1989, il performe à l'église des Jésuites à Sion.
Son exposition au Centre Pompidou en 2022 a montré l’ampleur d’un parcours dont le son est le moto perpetuo. Les vinyles ne prendront pas seulement leur rôle dans des soirées DJ ou des collaborations avec des musiciens comme les Sonic Youth ou John Zorn, ils deviendront le matériau de base de nombreuses œuvres d’art visuel, que l’artiste en tapisse un sol sur lequel le public est invité à marcher (Footsteps, 1989), ou qu’il couse des pochettes pour créer des montages abstraits ou d’exquis cadavres frankensteiniens (la série Body Mix, 1991-1992).
Cet esprit du collage, Christian Marclay va le poursuivre avec le cinéma. Il monte des extraits des films les plus hétéroclites où les personnages sont au téléphones (Telephones, 1995) ; où l’on voit une montre, une horloge ou tout objet donnant l’heure (The Clock, œuvre de 24 heures, incontournable Lion d’or de la Biennale de Venise 2011) ; où les personnages passent sans cesse d’une pièce à l’autres (Doors, 2022). À chaque fois, la bande son est soignée avec le souci du ressort rythmique et du lien entre les scènes.
Pourtant, Christian Marclay peut aussi créer des œuvres tout à fait silencieuses, qui n’auront un impact sonore que dans nos mémoires et nos imaginaires, ou dans les activations qui parfois les accompagnent.
Il imagine ainsi des instruments injouables (batterie démesurée, guitare molle…), photographie des étuis d’instruments de musiciens de rue avec leur petit monnaie (Street Music, 2002-2012), et surtout collectionne les onomatopées dans les bandes dessinées pour en faire des collages, des peintures, des gravures, des installations vidéo, et même des partitions.