Projection vidéo : vidéo, couleur, son, en vidéo projection ou projection à partir du film 16mm, 10'40"
Oeuvre présentée dans le cadre de l'exposition Echos d'une collection - Oeuvres du Frac Franche-Comté
On voit d’abord Cynthia Loemij, danseuse de la compagnie Rosas, écouter un morceau d'Eugène Ysaye (Trois sonates pour violon). Elle est toute en concentration, oscillant à peine de la tête, comme si ce petit geste lui permettait de s’approprier le rythme. Puis elle exécute une chorégraphie sans musique, entièrement dans la mémoire de ce qu’elle vient d’entendre.
La réalisatrice s'impose elle aussi une contrainte technique : changer la pellicule d'une durée de trois minutes à chaque interruption de la bobine alors que la danseuse continue son action. Ce qui correspond à un moment d’écran noir dans le film.
C’est un portrait de la danseuse, de sa concentration et de sa capacité mémorielle que propose ici Manon De Boer. L’aspect performatif du tournage est fréquent chez l’artiste, il instille une tension supplémentaire à l’œuvre.
Née en 65 à Kodaikanal (Inde)
Vit et travaille à Bruxelles
Manon de Boer a étudié à l'Académie Willem de Kooning de Rotterdam et à la Rijksakademie d'Amsterdam Son travail se concrétise essentiellement dans l’image en mouvement, même s’il s’est diversifié depuis quelques années. Elle tourne essentiellement en pellicule 16 et 35 mm, un choix qui correspond pour elle à l’importance du temps et de son expérience dans son travail, comme thématique, et jusque dans la fabrique de l’œuvre elle-même. La réalisation peut d’ailleurs prendre une forme performative, sans même qu’il y ait un public, simplement pour donner une tension supplémentaire à la pièce.
Manon de Boer est une artiste du portrait. Elle a d’ailleurs commencé en filmant ses proches en Super-8, en noir et blanc, captant des moments où ils oubliaient la caméra, se concentrant sur les visages. Avec Laurien, March 1996 - Laurien, September 2001 - Laurien, October 2007 (1996-2007), elle va plus loin en tournant un film de deux minutes trente en trois moments, à onze ans de distance. Une femme lit le journal, mais nous ne voyons que son visage, ses yeux qui passent d’une colonne à l’autre, et nous cherchons dans ses traits, dans son attention, ce qui la relie au monde par cette lecture.
On doit aussi à Manon De Boer un portrait atypique de Sylvia Kristel, actrice du film Emmanuelle (1974), Sylvia Kristel – Paris (2003).
Manon De Boer a abordé la performance avec la danseuse et chorégraphe Latifa Laâbissi, avec laquelle elle a collaboré depuis 2015 pour toute une série de pièces, allant du film à l’installation sonore. Le travail est parti de long échanges autour des différentes références qui habitent les deux femmes, qu’elles leur soient communes ou non, comme Marguerite Duras, Serge Daney, Eduardo Viveiros de Castro, Oum Kalthoum ou encore Casey. Ainsi, dans le film Ghost Party (2), qui fait suite à la performance, elles manipulent une série de vases qui personnifient leurs «fantômes», à qui elles donnent voix, et qu’elles font se rencontrer.