Piano à queue modifié, 50 balles de ping-pong, 2 ventilateurs sur pied
Oeuvre présentée dans le cadre de l'exposition Echos d'une collection - Oeuvres du Frac Franche-Comté
Des balles de ping-pong posées sur les cordes d’un piano à queue sont agitées par le souffle de deux ventilateurs posés de chaque côté de l’instrument. Les roulements et les rebonds des balles font tinter les cordes de ce qui devient une sorte de piano mécanique aux sons aléatoires.
Ici, c’est le souffle de l’air qui est utilisé pour donner vie à l’œuvre comme d’autre fois ce peut être le feu ou l’eau. La particularité de la pièce est de pouvoir fonctionner de façon presque infinie alors que les œuvres de Roman Signer procèdent la plupart du temps d’une action éphémère.
La relation à l’instrument n’est pas sans faire penser aux «pianos préparés» et autres actions pianistiques de John Cage et à certaines performances Fluxus. Deux ans avant cette pièce, le fils de musicien qu’est Roman Signer avait déjà joué du violon autrement en faisant tomber du sable sur l’instrument suspendu en l’air (Sandmusik, vidéo, 2008).
On retrouve le piano en 2014 dans une action sur un lac de montagne en Haut-Adige. Alors que jeune pianiste islandais Víkingur Ólafsson, posé sur un radeau, interprète Vers la flamme du compositeur Alexandre Scriabine, un hélicoptère apparaît et vient tourner au-dessus de lui, comme un gros bourdon soufflant les vagues autour de l’embarcation (Vers la flamme - Ein Konzert mit Störung, 2014).
Courtoisie Frac Franche-Comté et l’artiste
Né en 1938 à Appenzell
Vit et travaille à Saint-Gall
Roman Signer a plus d’une fois raconté son enfance près d’un pont chargé de dynamite en cas d’invasion allemande pendant la guerre, son grand-père serrurier, son père musicien… Après des débuts comme dessinateur en bâtiment, ce n’est qu’à 28 ans qu’il entre aux Beaux-arts de Zurich, complète ses études à Lucerne et Varsovie. Et malgré l’aspect souvent détonnant de ses sculptures éphémères, ce n’est que lorsqu’il aborde la cinquantaine qu’il obtient une réelle reconnaissance avec une sélection à la Documenta de Kassel en 1987 – il y fait exploser des milliers de feuilles de papier qui forment un mur éphémère et volatil.
En 1989, il prend congé d’Appenzel, où il ressent trop d’incompréhension pour son art et ses aspects ludiques, en faisant brûler une succesion de mèches sur près de 20 km le long des rails jusqu’à Saint-Gall où il s’établit alors.
À l'exposition Skulptur Projekte de Münster en 1997, il propose deux pièces activées grâce à l’eau : une canne pour la marche est mise en mouvement au-dessus d’un étang, une fontaine itinérante résulte de la transformation d’un triporteur Piaggio, véhicule qu’il réutilisera à maintes reprises dans ses actions - notamment pour une envolée sur une rampe de saut à ski polonaise. D’autres objets (seaux, kayaks, bottes de pêche, ballons, parapluies…) reviennent ainsi périodiquement dans les actions – il trouve le terme plus juste que performance - de Roman Signer, comme un vocabulaire poétique autant que comme une boîte à outil pratique.
Roman Signer représente la Suisse à la Biennale de Venise en 1999. Ce sont là les débuts d’une longue série de rendez-vous dans les grands rendez-vous internationaux. Son art, s’il passe souvent par un aspect explosif, ne se réduit pas à ces instants éphémères. Il s’inscrit dans le temps. Il est souvent difficile de dire quand une action commence et quand elle est terminée. L’explosion a eu lieu, mais la fumée qui se dissipe, l’impression qui nous habite encore, tout cela fait encore partie de l’événement. Parfois, ce sont aussi quelques traces laissées sur les lieux de la performance, où la vidéo qui l’a captée.